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Ma démarche artistique se construit à partir d’une démarche personnelle qui vient questionner l’expérience « d’être un corps ».
Un bloc d’argile, une tête nue qui vient frapper pour y inscrire son empreinte : action 0 marque le point d’origine de cette recherche. Empreinte du corps en action, première image forte qui concentre, comme déjà là, l’ensemble des notions qui vont se déployer dans le travail à venir : geste, mouvement, impact, empreinte, déplacement… Un corps qui se construit à travers sa confrontation à la matière, à l’espace, par accumulation d’expériences sensibles, tout entier mobilisé par l’effort.
C’est dans cette nécessité à mettre le corps en travail, à l’éprouver, que vont s’inscrire les premières dépenses. Au plus près des états de corps induits par l’engagement physique, l’enjeu des dépenses n’est en aucun cas la recherche d’une limite ou d’une performance physique, mais bien davantage celle d’un certain état poreux du corps dans son interaction avec l’espace proche.
Activées dans l’espace urbain, les premières dépenses se caractérisent par des protocoles simples et une certaine économie de moyens : repérer un lieu, définir un cadrage, activer une dépense, dont la durée n’est pas fixée par avance mais déterminée par la sensation d’avoir épuisé le cadre.
Au cours de ces repérages urbains effectués à l’échelle et au rythme du corps en marche, des objets, oubliés là, sont prélevés et intègrent pour un temps l’espace de l’atelier.
Une fois rapportés dans mon propre champ d’expérimentation, détournés, ces éléments prélevés invitent à de nouveaux usages, de nouveaux gestes, de nouvelles propositions performatives.
Prélever, déplacer, opérer des changements de matériaux, avec toujours cette nécessité d’expérimenter à nouveau le poids, la densité, l’équilibre, la gravité qui « conditionnent » nos corps.
Comme plus malléables, plus organiques, la cire brute et le plâtre se trouvaient déjà tout naturellement convoqués dans la série des premières empreintes. Empreintes de mon propre crâne qui mis à nu révèle sa forme, ses courbes, sa sensibilité, sa fragilité, tout autant que sa force. Déposées en appui sur leur sommet, les voûtes crâniennes fonctionnent comme des formes ouvertes donnant à voir leur face intérieure gravée, tracés d’empreintes endo-crâniennes.
Activer la pensée par les déplacements, entre l’espace de l’atelier et l’environnement extérieur ou à travers la matière urbaine même. En interaction permanente.
Un processus ouvert.
Cet ensemble régulièrement augmenté de pièces nouvelles, constitue une sorte de corpus dont les éléments et gestes sont appelés à être ré-activés lors de nouvelles propositions.
Cette recherche ne convoque pas le spectateur sur le mode du spectaculaire. L’attention est davantage portée au processus et à une certaine qualité de présence. L’effort engagé qui sous-tend les dépenses et les différentes formes de déplacements induit un changement d’état physique et mental du corps, duquel découle un changement de mon état de disponibilité et de porosité à ce qui m’entoure.
Le déplacement comme un mouvement de la pensée.
Chaque pièce, chaque proposition performée n’est possible que parce que celle d’avant a eu lieu et d’elle va naître la suivante. Comme autant de strates qui contribuent à l’élaboration d’une œuvre à appréhender de façon globale, élargie à une multitude de formes.
Une expérience ouverte.